Tourisme, le grand absent de la finance durable dans la taxonomie européenne

Alors que l’Organisation Mondiale du Tourisme et l’Institut Français du Tourisme prédisaient en 2019 une augmentation de 25% des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’activité touristique d’ici 2030 [1], la considération du tourisme durable dans la taxonomie européenne interroge. La semaine européenne du développement durable 2022 est l’occasion d’examiner le tourisme sous l’angle de la finance durable.

Le tourisme, un levier environnemental pour réduire les pressions exercées sur le climat

Le tourisme est à lui seul responsable de 11% des émissions GES en France en 2018 alors qu’il contribue à 7,5% du PIB français – dont 40% sont liées aux flux internationaux – et génère 2 millions d’emplois. Le tourisme représente 51 % de la valeur ajoutée du secteur de l’hébergement et de la restauration, et 20% du secteur du transport alors que le transport est responsable de 77% des émissions GES du tourisme contre 13% pour l’hébergement et la restauration. [2]

L’économie touristique est un incontournable dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour autant, le tourisme est un secteur qui subit les crises de plein fouet, qu’elles soient météorologiques, climatiques, économiques ou sanitaires. Les Prêts Garantis par l’État (PGE) accordés aux entreprises du tourisme dans le cadre de la crise de la Covid atteignent 12 milliards d’euros [3] sur les 141 milliards d’euros accordés à l’économie française jusqu’au 30 juin 2022 [4], soit 9% des PGE. Deux tiers des entreprises du secteur de l’hôtellerie restauration ont un haut risque de défaillance dans leur activité (supérieur ou égal à 50%) et se trouvent actuellement en difficultés financières. Ces entreprises sont contraintes d’opérer des arbitrages, entre le remboursement des PGE et la réalisation des investissements nécessaires pour la modernisation des équipements ainsi que pour la transition énergétique et écologique de leur activité. [5]

Le tourisme, une activité non substantielle de la taxonomie européenne

En 2019, 16,5 milliards d’euros ont été investis dans l’économie touristique en France, dont seulement 1% dédié au transport et aux mobilités douces. Le principal poste, l’hébergement marchand, représentait un tiers des investissements dont 21% dans la seule branche de l’hôtellerie et pour laquelle la moitié des investissements est portée par les opérateurs haut de gamme (4*, 5* et Palaces). En 2020, l’investissement a chuté de 25% pour atteindre 12 milliards d’euros, le niveau d’investissement le plus bas depuis près de 10 ans. [6]

La taxonomie européenne ou finance durable, permet d’orienter les investissements vers des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement. La Commission Européenne ambitionnant la neutralité carbone d’ici 2050, s’est fixée six objectifs durables pour l’atteindre : l’atténuation du changement climatique ; l’adaptation au changement climatique ; l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ; la transition vers une économie circulaire ; le contrôle de la pollution ; la protection et restauration de la biodiversité et des écosystèmes [7]. Toutefois, le secteur du tourisme, bien qu’il génère un dixième des émissions GES totales de la France, n’est pas directement identifié par le règlement européen comme une activité substantielle à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique.

Au-delà des 14 Fonds européens pour le tourisme durable tous secteurs confondus [8], la Commission Européenne ne devrait-elle pas inclure l’économie touristique et plus particulièrement le tourisme durable dans le règlement de la taxonomie et de la finance verte ? À l’heure de la RSE, quelles solutions de financements sont envisagées à l’échelle européenne pour les programmes sociaux et sociétaux portés par l’économie touristique ?

Marion REY, pour VVF Ingénierie

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